Histoire
Le goût des vins a-t-il évolué au fil des siècles et à travers le monde ?
Aujourd’hui, le goût du vin varie énormément d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre, en raison de la diversité des terroirs viticoles du monde, mais aussi des préférences des consommateurs. Un bon vin pour un Allemand, c’est plutôt un vin blanc sec, pour un Chinois, un vin rouge sans excès d’acidité, pour un Californien, un vin rouge sombre, tannique et puissant. Chez les Français, quelque peu chauvins, c’est un vin de France, mais pour un Bordelais, c’est un bordeaux et pour un Bourguignon… un bourgogne. Les peuples peu producteurs, Anglais, Belges ou Scandinaves, par exemple, ont des goûts beaucoup plus éclectiques.
À côté de cette diversité géographique, le goût du vin a beaucoup changé dans le temps en raison de l’évolution des techniques viti-vinicoles, mais aussi des modes gustatives et des manières de consommer. Dans le monde grec et romain antique, afin de pouvoir se conserver, les vins étaient enrichis d’additifs variés : résine, eau de mer, plâtre, herbes aromatiques, miel, etc. On les buvait largement dilués d’eau, sauf chez les barbares, comme les Gaulois chevelus amateurs d’enivrement rapide. On conservera cette habitude de coupage jusqu’à une date récente. Pendant le Moyen Âge et les temps modernes, les vins d’Europe étaient clairets, légers et se buvaient dans l’année car on ne savait pas les conserver plus longtemps. Sous l’impulsion des Anglais et des Européens du nord, on a appris à élaborer, à Bordeaux, puis dans toute l’Europe du sud, des vins rouges corsés, les élever et les faire vieillir à partir du XVIIe siècle grâce à la triple invention du soufre protecteur, de la bouteille en verre noir épais et du bouchon de liège. En même temps, on a découvert les vertus conservatrices du mutage à l’eau-de-vie (porto, xérès, madère) et l’intérêt ludique de la prise de mousse (champagne). Progressivement, on a commencé à boire les vins purs et à les varier au cours des repas en recherchant l’harmonie avec les mets servis. Cela reste un idéal du repas gastronomique des Français désormais classé à l’UNESCO, mais dans beaucoup de pays, on continue à boire le vin ou avant ou après le repas, guère pendant. Comme dans d’autres domaines culturels, les modes changent désormais très vite. Par exemple, les Français sont devenus depuis un demi-siècle de grands amateurs de vin rosé glacé, évocateur de l’été et des vacances.
Jean-Robert Pitte, Membre de l’Institut français du Goût, Président de l’Académie du Vin de France